LA RECONNAISSANCE D'UNE CONTAMINATION AU COVID-19 DES AGENTS HOSPITALIERS EN MALADIE PROFESSIONNELLE OU ACCIDENT DE SERVICE
Publié le :
14/05/2020
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Dans son allocution du 23 mars 2020, Monsieur Olivier VERAN, Ministre de la Santé a affirmé : « Aux soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle et c’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus. »
Et de fait, le nombre de soignants contaminés par le Covid-19 est très important, indépendamment de la recherche d’une éventuelle faute de leur employeur dans la mise en œuvre des mesures de sécurité sanitaire.
Ainsi, pour les fonctionnaires hospitaliers soignants, la reconnaissance d’une contamination au Covid-19 en qualité de maladie professionnelle semble évidente.
Pourtant, depuis cette annonce qui date du début de la période de crise sanitaire actuelle, aucune évolution réglementaire n’est intervenue pour permettre une telle reconnaissance, laissant les agents publics contaminés et leurs proches dans le désarroi.
Force est de constater que les textes régissant les agents publics hospitaliers sont, en l’état actuel des choses, totalement inadaptés à la reconnaissance d’une maladie telle que le Covid-19 en qualité de maladie professionnelle.
Pour bien cerner le problème, reprenons le fondement textuel de la reconnaissance d’une maladie professionnelle concernant les agents publics hospitaliers : ce sont les articles 41 de la loi n°86-33 du 09 janvier 1986 (statut spécifique de la fonction publique hospitalière) et 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 (statut général des fonctionnaires) qui prévoient trois hypothèses dans lesquelles la maladie professionnelle peut être reconnue :
- Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau,
- Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions,
- Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente de 25%.
Toute la difficulté au cas d’espèce est que les tableaux de maladie professionnelle ne prévoient ni le Covid-19, ni une pathologie à laquelle le Covid-19 pourrait être assimilé : ainsi, en l’état, les deux premiers cas de reconnaissance d’une maladie professionnelle en cas de contamination due au Covid-19 ne peuvent être mis en œuvre.
Reste donc la troisième de ces hypothèses, qui suppose la réunion de deux conditions, à savoir :
- La preuve de ce que la maladie a été essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions,
- La preuve de ce que la maladie entraîne une incapacité permanente de 25%.
En définitive, la contamination par le Covid-19 correspond très exactement aux cas des maladies professionnelles répertoriées dans les tableaux avec des conditions tenant au délai de prise en charge et à la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie.
Un tableau n°76, intitulé « Maladies liées à des agents infectieux ou parasitaires contractées en milieu de soins » pourrait utilement être modifié et complété par décret pour y ajouter le Covid-19, la durée d’exposition et la liste des travaux susceptibles de provoquer la contamination.
Tant que le pouvoir législatif et réglementaire restera taisant sur la question, la reconnaissance du Covid-19 en tant que maladie professionnelle restera source de contentieux.
Resterait la possibilité de voir reconnaître l’imputabilité au service de la contamination via l’accident de service.
Sur ce point, l’article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 créé une présomption d’imputabilité au service de toute accident survenu à un fonctionnaire quelle qu’en soit la cause dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal.
Mais rappelons qu’un accident ne peut être reconnu que lorsque l’agent subit un événement précis qui entraîne une atteinte à son intégrité physique ou psychique, et soudain, qui intervient dans un court laps de temps.
Aussi, pour que l’accident de service puisse être reconnu en présence d’une contamination d’un agent public hospitalier au Covid-19, encore faut-il pouvoir déterminer que celui-ci a bien été contaminé sur son lieu de travail, et déterminer un événement précis.
A noter que la jurisprudence admet depuis de nombreuses années la possibilité pour un agent public de déclarer concurremment un accident de service ET une maladie professionnelle pour la même pathologie. (Suite à une hypoacousie : CE, 25 févr. 1998, n°133318 ; suite à une tuberculose pulmonaire : CE, 14 janv. 1976, n°98452)
Mais quelles sont les implications d’une reconnaissance de la contamination au Covid-19 au titre de la maladie professionnelle ou de l’accident de service ?
Elles sont importantes, à plus d’un titre.
Tout d’abord, la reconnaissance de la maladie professionnelle ou de l’accident de service ouvre droit au Congé d’Invalidité Temporaire Imputable au Service (CITIS), qui permet un maintien de l’agent à plein traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre le service, et la prise en charge des honoraires médicaux ou des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident.
Par ailleurs, au-delà de l’aspect purement statutaire, l’aspect indemnitaire est méconnu des agents publics.
En effet, il résulte de la jurisprudence la plus constante que « si les statuts dont bénéficient les agents publics mettent à la charge de leur employeur, lorsqu’ils sont réellement victimes d’un accident ou d’une maladie imputable au service, le versement de l’intégralité du traitement ainsi que le coût des honoraires médicaux et des frais engagés directement entrainés par la maladie, ce régime ne fait pas obstacle à ce que l’agent recherche la responsabilité de son employeur pour obtenir réparation de préjudices distincts. » (Cf Conseil d'Etat, Ass., 4 juill. 2003, Moya-Caville, n°211106)
Ainsi, si l’accident ou la maladie est reconnu, l’agent a droit à indemnisation des préjudices en résultant : souffrances physique ou morales, préjudices esthétiques ou d’agrément, déficit fonctionnel temporaire partiel ou total, déficit fonctionnel permanent. Ses proches peuvent également obtenir indemnisation s’ils subissent personnellement un préjudice du fait de l’accident ou de la maladie.
Pour cela, nul besoin de prouver comme pour les salariés de droit privé, la « faute inexcusable » de l’employeur : la seule survenance de la maladie ou de l’accident suffisent à engager la responsabilité, pour risque, de l’employeur public.
Si la responsabilité fautive de l’employeur peut être recherchée, pour n’avoir pas suffisamment protégé ses agents contre les risques de contamination par exemple, les préjudices indemnisables sont plus nombreux.
Pour mettre en œuvre cette indemnisation, il est vivement conseillé d’être assisté d’un avocat, la procédure à mener étant technique.
Il en est de même pour toute contestation d’un éventuel refus de reconnaissance de la maladie professionnelle ou de l’accident de service déclarés suite à contamination par le Covid-19 sur le lieu de travail.
Pour conclure :
- Les agents publics hospitaliers soignants devraient pouvoir se voir reconnaître une maladie professionnelle, sous réserve d’adaptations réglementaires et législatives qui ne sont pas encore intervenues,
- Il est toutefois conseillé de déclarer toute éventuelle contamination en tant que maladie professionnelle, voire également en accident de service si les conditions de déclaration d’un accident sont remplies,
- Le régime juridique du CITIS s’appliquera si la maladie ou l’accident est reconnu,
- La responsabilité pour risque, mais aussi pour faute de l’employeur peut être recherchée par l’agent pour obtenir indemnisation de ses préjudices, de même que ses proches en cas de préjudices personnels subis du fait de la maladie ou de l’accident.
Fort d’une solide expérience en la matière, le Cabinet JN AVOCATS se tient à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches : n’hésitez pas à nous contacter au 05.35.54.56.89 ou sur le formulaire de contact !
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