Covid-19 : l’ordonnance n°2020-430 du 15 avril 2020, adoptée sans concertation préalable, pose difficulté.
Publié le :
01/05/2020
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Cette ordonnance, relative à la prise de jours de congés et de RTT dans les fonctions publiques d’Etat et territoriale durant la période d’urgence sanitaire actuelle, soulève de nombreuses questions et une opposition massive des organisations syndicales.
Cette ordonnance, succincte mais dense, impose pour les agents publics d’Etat, et permet d’imposer pour les agents publics territoriaux des jours de RTT et des jours de congés annuels.
Pour schématiser, le texte prévoit :
- Pour les agents publics d’Etat :
- Placés en Autorisation Spéciale d’Absence (pour garde d’enfant notamment) entre le 16 mars 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020, ou la date de reprise dans des conditions normales : obligation de prendre 10 jours de RTT ou de congés annuels entre le 17 avril 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire, ou à défaut 6 jours de congés annuels au maximum. (Article 1er)
- En télétravail : le chef de service peut imposer entre le 17 avril 2020 et le terme de l’état d’urgence sanitaire de prendre 5 jours de RTT ou de congés annuels au cours de la période. (Article 2)
- Dans ces deux situations, le délai de prévenance est fixé à 1 jour franc,
- Pour les agents publics territoriaux, en application du principe de libre-administration des collectivités territoriales, les dispositions de l’ordonnance peuvent être appliquées, par décision de l’autorité territoriale, dans les conditions définies par celle-ci.
Après avoir admis que l’article 11 de la loi d’habilitation du gouvernement du 23 mars 2020 autorisait le gouvernement « s’agissant de la fonction publique, à prendre toute mesure permettant d’imposer ou de modifier unilatéralement, y compris de manière rétroactive, les dates des jours de réduction du temps de travail et non les dates de congés annuels. »
Il retient toutefois que le législateur n’a pas compétence pour fixer « les autres éléments du régime de ces congés, en particulier les périodes au cours desquelles les congés annuels peuvent être pris ainsi que la possibilité de ne pas tenir compte, à cet égard en particulier en raison des nécessités du service, des demandes des agents. »
Il considère en conséquence que le Président de la République pouvait compétemment, sans habilitation du législateur, fixer les règles litigieuses en faisant obligation aux agents de prendre des jours de congés pendant une période déterminée. Aucun autre moyen de légalité n’étant soulevé par le syndicat requérant, le Conseil d'Etat a rejeté le recours. (Conseil d'Etat, 27 avr. 2020, n°440150)
Cette ordonnance de référé, bien que rejetant le recours présenté devant le Conseil d'Etat, admet explicitement que la loi d’habilitation ne concernait pas les dates de congés annuels.
Un autre référé, suspension cette fois-ci, devrait prochainement être examiné, et présente de nouvelles questions de droit à régler.
La procédure suivie pour adopter l’ordonnance est irrégulière en ce que ni le Conseil commun de la Fonction Publique, ni le Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale n’ont été consultés, alors même qu’un délai de trois semaines s’est écoulé entre la promulgation de la loi d’habilitation et celle de l’ordonnance litigieuse !
De plus, sur le fond, cette ordonnance pose de sérieuses difficultés, tout d’abord en imposant aux agents placés en Autorisation Spéciale d’Absence la prise de 5 jours de réduction du temps de travail entre le 16 mars 2020 et le 16 avril 2020 (article 1er), mais également en créant une rupture d’égalité de traitement entre agents publics, à savoir ceux assurant leurs missions en télétravail et ceux en présentiel, qui sont tous considérés comme en position d’activité.
Gageons que le Conseil d'Etat suspende cette ordonnance n°2020-430 du 15 avril 2020 !
Concernant la fonction publique territoriale, si l’ordonnance est suspendue puis annulée, toutes les décisions édictées par les collectivités territoriales se trouveront dépourvues de base légale et encourront donc la censure de la juridiction administrative !
Sans attendre l’issue devant le Conseil d'Etat, le Cabinet recommande fortement aux agents d’Etat et territoriaux s’étant vu imposer des jours de RTT ou de congés annuels, parfois même de manière totalement rétroactive, à contester ces décisions.
N’hésitez pas à nous contacter au 05.35.54.56.89 ou à l’adresse mail suivante : julienoelavocat@gmail.com, pour faire valoir vos droits en cette période troublée.
Prenez bien soin de vous et de vos proches,
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