Procédure administrative : attention aux délais fixés pour produire un mémoire complémentaire !
Publié le :
02/10/2023
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Le Conseil d'Etat a récemment rappelé les règles en matière de production de mémoire complémentaire, en insistant sur le caractère contraignant des délais fixés par la juridiction.
L'article R. 612-5 du code de justice administrative dispose :
"Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté."
Dans un arrêt Conseil d'Etat, 5ème - 6ème chambres réunies, du 13 janvier 2023, n°452716, c'est justement ce point qui est abordé par les juges.
A l'origine de la requête, un agent hospitalier qui a formé un recours en annulation contre la délibération qui rejetait sa demande de révision de notation.
Le tribunal administratif a rejeté sa demande dans un premier temps. La requérante formait alors appel contre cette décision en annonçant la production d'un mémoire complémentaire.
Le président de chambre de la cour administrative d'appel a accusé réception de la requête d'appel et mis en demeure la requérante de produire son mémoire complémentaire dans un délai de 15 jours, sans quoi elle serait réputée s'être désistée de ses demandes.
Le délai courait alors jusqu'au 12 juillet 2019.
Le 14 juillet 2019, soit deux jours après expiration dudit délai, l'agent a fait état de contraintes professionnelles et demandé un délai supplémentaire d'un mois pour produire le mémoire complémentaire annoncé.
Le 17 juillet 2019, ce délai supplémentaire a été accordé et le mémoire de la requérante a été produit le 19 août 2019.
La requête et le mémoire complémentaire ont été communiqués à la partie adverse.
Toutefois, la Cour administrative d'appel, en faisant application de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, a finalement décidé que la requérante devait être considérée comme s'étant désistée de ses demandes, en ne produisant pas le mémoire complémentaire dans le délai fixé initialement.
C'est en cet état que se présentait l'affaire devant le Conseil d'Etat, qui a raisonné de la manière suivante :
"3. Aux termes de l'article R. 612-5 du code de justice administrative : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté ". Il en résulte que lorsque qu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel choisit d'adresser une mise en demeure en application de ces dispositions, ce tribunal ou cette cour doit, à condition que l'intéressé ait annoncé expressément la production d'un mémoire complémentaire, qu'il ait reçu la mise en demeure prévue, qu'elle lui laisse un délai suffisant pour y répondre et l'informe des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, constater le désistement d'office du requérant si celui-ci ne produit pas le mémoire complémentaire à l'expiration du délai fixé.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... n'a pas produit le mémoire complémentaire, explicitement annoncé dans sa requête d'appel, à l'expiration du délai qui lui était imparti par la mise en demeure dont son conseil a reçu notification et qui l'informait des conséquences s'attachant au dépassement du délai. S'il a été accusé réception avec retard de cette requête par le greffe et si la mise en demeure, adressée le jour même de l'accusé de réception, ne comportait qu'un délai de quinze jours, cette mise en demeure ne peut être regardée, en l'espèce, comme ayant laissé à la requérante un délai insuffisant. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait, par méconnaissance des dispositions de l'article R. 612-5 du code de justice administrative, entaché d'irrégularité son ordonnance.
5. En deuxième lieu, si, il est vrai que, saisie par le conseil de Mme B..., d'une demande de prolongation du délai initial de quinze jours pour produire le mémoire complémentaire, la cour y a fait droit en accordant un nouveau délai d'un mois puis a communiqué l'ensemble de la procédure à la partie adverse dans le cadre de l'instruction, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que cette demande de prolongation a été présentée après l'expiration du délai fixé initialement par la mise en demeure de telle sorte qu'à cette date, la requérante était déjà réputée s'être désistée d'office de sa requête du seul fait de l'expiration de ce premier délai. Dès lors, la requérante ne peut utilement invoquer cette prolongation du délai intervenue après l'expiration du délai qui lui était imparti pour contester l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel a constaté que Mme B... devait être réputée s'être désistée de sa requête.
7. En troisième lieu, n'ayant pas été, comme elle l'allègue, privée d'un accès au juge, Mme B... n'est pas, en tout état de cause, davantage pas fondée à soutenir que la cour aurait méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque."
Partant, des critères sont fixés concernant l'annonce d'un mémoire complémentaire :
- la juridiction doit envoyer une mise en demeure à l'agent
- la juridiction doit laisser un temps suffisant pour le requérant pour y répondre,
- la juridiction doit informer l'agent des conséquences d'un défaut de réponse
Dans ces conditions, si le requérant ne répond pas avant expiration du délai fixé, la juridiction peut constater son désistement d'office.
Le fait que la juridiction ait accordé un délai supplémentaire après expiration du délai initial fixé dans la mise en demeure ne change rien.
Cette décision est tout à fait sévère mais rappelle l'importance de veiller aux règles contentieuses existant en droit administratif.
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