Procédure disciplinaire et procédure de mise en congé de maladie : quelle articulation ?
Lorsqu'un agent est en arrêt maladie, la question se pose souvent : peut-on engager une procédure disciplinaire à son encontre ? Peut-on appliquer la sanction pendant cette période ?
Le Conseil d'Etat est venu éclaircir ce point de manière très claire. La procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie sont des procédures distinctes et indépendantes.
La circonstance qu'un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction.
La décision en question, Conseil d'Etat, 3/8 chambres réunies, 3 juillet 2023, n°459472, concerne l'affaire d'un professeur de lettre dans un établissement privé.
Ce dernier a faut l'objet d'une décision de sanction, à savoir une exclusion de ses fonctions pour une durée de 2 ans.
La rectrice a décidé de suspendre la rémunération de l'agent alors même que celui-ci était en arrêt maladie et bénéficiait à ce titre du régime du congé de maladie. C'est ce point qui était à l'origine du litige.
Les juges ont alors indiqué :
"3. En second lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " le fonctionnaire en activité a droit () 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants () ". Enfin, aux termes de l'article 24 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " () en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ". Par ailleurs, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. () / Troisième groupe : () / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. () / L'exclusion temporaire de fonctions () est privative de toute rémunération ".
4. D'une part, la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie sont des procédures distinctes et indépendantes, et la circonstance qu'un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l'entrée en vigueur d'une décision de sanction.
5. D'autre part, les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire conserve, selon la durée du congé, l'intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie en apportant une dérogation au principe posé par l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 subordonnant le droit au traitement au service fait. Elles ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un fonctionnaire bénéficiant d'un congé de maladie des droits à rémunération supérieurs à ceux qu'il aurait eus s'il n'en avait pas bénéficié. Un agent faisant l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions étant privé de rémunération pendant la durée de cette exclusion, il ne saurait, pendant cette période, bénéficier d'un maintien de sa rémunération à raison de son placement en congé de maladie.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que la circonstance que M. A était en congé de maladie ne faisait pas obstacle à l'entrée en vigueur, le 17 février 2018, de la décision du 13 février 2018 par laquelle la rectrice de l'académie de Lyon lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions pour une durée de deux ans, et qu'elle en a déduit qu'il n'était pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2018 par lequel la même autorité a suspendu sa rémunération à compter du 17 février 2018."
Les juges suprêmes considèrent alors que l'agent n'a pas à bénéficier d'un maintien de rémunération auquel il n'aurait pas eu droit en application de sa sanction disciplinaire, uniquement car il est en arrêt maladie.
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