Le juge administratif a tranché : les pompiers ont le droit de porter une barbe !
Publié le :
21/07/2022
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2022
CAA Nancy, 3e, 5 juillet 2022, n°21NC00980
Au cours de la période de pandémie, le SDIS de la Moselle a diffusé le 16 mars 2020 un message de commandement COVID 19 mentionnant que « dans un souci de protection extrême contre la contamination de chacun d’entre nous, de nos collègues et de nos proches, le port de la barbe est interdit et les cheveux longs seront attachés ».
Le syndicat a alors demandé au juge administratif l’annulation de cette décision, prise sous la forme d’une consigne orale qui oblige les pompiers à un rasage complet de toute pilosité faciale.
Plusieurs questions juridiques se sont posées concernant ce recours.
La consigne orale n’est pas une mesure d’ordre intérieur
Le juge administratif a rappelé la règle de l’article R. 421-1 du code de justice administrative selon laquelle : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ».
Toute la question était alors de savoir si une consigne orale pouvait être considérée comme une décision.
Le juge administratif utilise une principe constant « les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable. »
En l’espèce, le juge administratif considère que demander aux pompiers de procéder au rasage complet de toute pilosité faciale apporte des restrictions importantes aux choix personnels des intéressés concernant leur apparence physique.
De ce fait, alors même que cette consigne a été édictée dans le but de protéger la santé et la sécurité des agents, de leurs collègues et des usagers contre la contamination, elle doit être regardée comme portant atteinte au droit au respect de la vie privée que l’on trouve à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Partant, cette mesure ne peut constituer une simple mesure d’ordre intérieur, elle est susceptible de recours.
L’absence de consultation d’un comité est un vice qui prive les agents d’une garantie
Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité.
Or, pour respecter cette obligation, un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a été créé dans chaque service départemental d’incendie et de secours. Ce service doit contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et à l’amélioration des conditions de travail.
Ce comité doit être consulté sur les projets d’aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Il doit être consulté sur la teneur de tous les documents se rattachant à sa mission et notamment les règlements et les consignes que l’autorité territoriale envisage d’adopter en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail.
De ce fait, la consigne orale litigieuse a été décidée en vue de garantie l’étanchéité des masques lors des interventions et de protéger sur le lieu de travail, la santé et la sécurité des sapeurs-pompiers et des usagers contre la contamination liée à l’épidémie de Covid 9.
Le comité précité aurait alors dû être consulté préalablement à l’édiction d’une telle mesure. Le fait qu’il ne s’agisse que d’une mesure temporaire n’a aucune incidence sur l’application de cette formalité.
Le juge administratif a donc conclu au fait que l’omission de cette consultation a privé les agents d’une garantie et constitue une irrégularité procédurale de nature à entacher la légalité de cette décision.
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